Etre spectateur au théâtre n'est guère un rôle facile. Il faut tout d'abord mentionner qu'aucune répétition ne permet à l'individu de se positionner dans ce rôle. Place alors à l'improvisation.  L'action se déroule ainsi : Vous arrivez, aprés avoir bataillé durant plus de 20 minutes pour garer votre carrosse, vous prenez place dans la file et commencez à piètiner car le froid vous gagne (admettons que l'action se passe en hiver). Vous allumez une cigarette et bien évidemment cela importune le monsieur asthmatique devant vous. Enfin le théâtre ouvre ses portes. Vous, vous éternuez et pensez déjà au grog que vous allez vous faire de retour chez vous. Une jeune femme vous indique vers ou vous diriger puis un jeune éphèbe (disons plutôt un étudiant boutonneux, c'est plus réaliste), vous conduit à votre siège. La main plongée dans votre manteau vous cherchez la monnaie que vous aviez préparer. Nada, rien de rien, zut, vous décidez donc de remercier le garçon d'un sourire radieux et quelques peu crispé. C'est mieux que rien... Vous rougissez de honte et vous vous asseyiez enfin ou pour être honnête vous essayiez d'atteindre votre siège en luttant contre une dizaine de gambettes qui encombrent le passage. En sueur, à bout de souffle, pardon, excusez-moi, merci, vous vous effondrez sur votre fauteuil. Fauteuil est un bien grand mot pour désigner le siège sur lequel votre postérieur repose. Vous levez les yeux, petit regard à la voisinne de droite ( mais c'est quoi ce truc sur son dos, son chien empaillé ?), couple de pré-retraités sur la gauche ( tu veux un Tic-Tac Jean-Louis ?). Vous observez, vous souriez, il fait bon ici. Mince, voilà qu'avec cette douceur ambiante , vos jambes se mettent à enfler. Vite, vite, il faut se déchausser au risque de repartir pieds-nus, dans l'impossibilité de remettre ces superbes bottes italiennes achetées à Lisbonne. La scène ? Pas vue !  pas eu le temps, trop occupée dans les préléminaires, trop investie dans son rôle de spectatrice quidam. Donc la scène. Rien à dire. On est bien en face,  deuxième rang, cou en extension maximale. La lumière s'éteint dans la salle. La voisinne (la dame du manteau en caniche) sort une paire de jumelles. Des jumelles ? ! Un mystère cette femme. Une voix ordonne d'éteindre les portables. Au fait, où  l'avez-vous mis ce diable de téléphone ? et vous  voila en train de retourner votre sac à main dans une semi-pénombre. L'angoisse. Où est-il, merde ! Applaudissements. La pièce commence. Recroquevillée sur vous-même, les mains tremblantes, vous cherchez toujours. Un éclair de lucidité dans cette épouvantable quête :  vous n'avez plus de portable depuis que le petit Sam l'a plongé hier matin dans la chasse d'eau ! Quelle conne !  vous vous "regroupez", façon Ikea, et lèvez les yeux. Des chaussures, certes jolies, mais des chaussures, voilà ce que vous voyez ! Vous vous renversez quasimment pour apercevoir les visages des comédiens. Vos cervicales crient au massacre. Quelques minutes s'écoulent ainsi puis en désespoir de cause, vous décidez de vous contenter des mocassins et autres bottines théâtrales. Oh qu'il fait chaud. Et vous avez soif maintenant. Normal, le nez bouché, vous ne respirez plus que par la bouche, forcemment ça assèche les muqueuses. Vos fesses endolories vous font souffrir.  Tout va bien. L'intrigue est suffisamment intéressante pour oublier ces désagréments. Mais que c'est long ! Ils ont recommencé ou quoi ? Ils bissent les répliques ?, Les chaussures jouent à ravir. La voisinne dort, les jumelles sur le ventre. Tout d'un coup, le rideau s'abaisse. Vous êtes surprise. Vous vous demandiez qui du Richelieu ou de la ballerine allait triompher ce soir.  Applaudissements. C'était une belle soirée

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