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Sarah Biasini comédienne
14 avril 2009

Webthea.com

A partir de quelques ingrédients - une période historique, un thème, deux ou trois personnages marquants - Jean-Claude Brisville plante un décor et brode ses propres motifs, en restant toujours fidèles à l’Histoire. Ainsi, il a imaginé un Souper décisif entre Talleyrand et Foucher en 1850 (avec Claude Brasseur et Claude Rich), un Entretien entre Descartes et Pascal le jeune (récemment au théâtre de l’œuvre avec Mesguish père et fils). Dans L’Antichambre, il restitue l’époque des Lumières, ses philosophes et leur Encyclopédie, ses salons tenus par des femmes influentes. On y apprend l’histoire de la rivalité entre Mme du Deffand et de Julie de Lespinasse dont les correspondances respectives ont pu fournir de sérieux matériaux de base. Mme du Deffand était une femme qui entendait user de son pouvoir ; elle travaillait habilement à la réputation de son salon en faisant et défaisant la réputation de ses hôtes à son gré. Elle se plaisait à l’idée que celui qu’elle exclurait ne serait plus reçu nulle part. Si elle était très liée avec d’Alembert, elle ne partageait pas pour autant ses idées progressistes ; elle jugeait le projet de l’Encyclopédie ridicule et vaniteux, et Diderot sale et grossier. Femme de tête, elle ne s’encombrait pas de bons sentiments. Et si elle engage sa nièce, Julie de Lespinasse, comme lectrice ce n’est pas par bonté d’âme pour sauver cette pauvre bâtarde du couvent c’est, certes, pour qu’elle lui serve de dame de compagnie, maintenant que sa vue baisse méchamment, mais aussi parce, en utilisant la jeune fille comme faire-valoir, elle voit une occasion de gagner un peu plus l’admiration de tous pour sa grandeur d’âme. Malheureusement Julie n’est pas tout à fait l’oie blanche qu’elle croyait ; elle a une revanche à prendre sur la vie et sur sa tante mal aimante qui l’a beaucoup humiliée. Elle trouvera en la personne du président Hénault, ancien conseiller au Parlement de Paris, écrivain, historien et surtout mondain, la bienveillance et la compréhension plus qu’affectueuse dont elle avait besoin. Non seulement Julie, par sa jeunesse et son intelligence, a supplanté sa tante sous son toit mais elle détournera ses amis et abandonnera une femme vieillissante, déchue et presque aveugle pour aller exercer ses talents dans son propre salon.

Un beau trio d’acteurs

La pièce habilement tournée de Brisville a été créée en 1991 avec Suzanne Flon et Henri Virlojeux dans une mise en scène sobre de Jean-Pierre Miquel. Avec Christophe Lidon, le décor et les costumes sont très XVIIIe siècle. Mme du Deffand livre un combat sans merci pour maintenir ses prérogatives avec une opiniâtreté acharnée, une volonté de pouvoir inaltérable malgré ses forces déclinantes. Elle a mené sa vie comme on conduit une bataille et tombe au champ d’honneur. Ce rôle va comme un gant à Danièle Lebrun qui sait comme personne donner de l’altitude à son personnage, manier la main de fer dans le gant de velours pour finalement tomber le masque à son corps défendant. Sa douleur est une blessure d’orgueil. A ses côtés le président Hénault (Jean-CLaude Bouillon), très vert pour son âge, est bonhommie et joie de vivre. Enveloppante et délicieuse, la marquise, sur un ton doucereux et gracieux, décoche brutalement de ces flèches qui laissent sans souffle celui, ou celle, qui les reçoit. Julie (Sarah Biasini) tiendra tête. Tout entière acquise à la cause des philosophes, elle prend fait et cause pour Voltaire dans l’affaire Calas et saura toucher le président Hénault par son idéalisme et sa fougue. Ecrite dans une langue marquée au sceau de la rigueur et de l’élégance dix-huitièmistes, portée par un trio d’acteurs impeccables, l’évocation de cette époque de bouillonnements intellectuels et politique ne réclame pas d’effets spéciaux. Rien de révolutionnaire dans la mise en scène, mais on n’est qu’en 1750… Du théâtre de chambre ouvert sur le monde.

par Corinne DENAILLES

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