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Sarah Biasini comédienne
17 avril 2009

TEATRAUTEURS

Retour au Siècle des Lumières dont nous nous sommes tant éloignés. L'élégance pouvait alors s'offrir le luxe d'être subversive. On refaisait le monde dans les salons.
Démarche vaine, allez-vous dire ? Que nenni !
C'est de la confrontation des idées que naît la lumière et non pas de cette pensée unique dans laquelle nous sombrons trop souvent par paresse ou manque de conviction.
Madame du Deffand symbolise le courant conservateur mais accueille en son salon des philosophes aux idées modernes pour ne pas dire, révolutionnaires.
Ce n'est pas par hasard si les costumes conjuguent les diverses nuances de l'automne, soulignant ainsi le charme finissant de certaines idées afin que d'autres les remplacent plus aisément.
Le décor évoluera jusqu'à se rétrécir en toute fin, quand la dame dont l'acuité visuelle n'a cessé de diminuer restera en tête à tête avec elle-même et ses illusions mondaines perdues ...
Le souci des convenances était vécu de façon réductrice par sa protégée qui lui opposera une superbe revanche !
On aime les personnages dépeints par Jean-Claude Brisville et cela même quand on ne partage pas leurs idées car tous sont attachants.
Danièle Lebrun est formidable, comme d'habitude mais comment pourrait-il en être autrement ? Elle incarne le personnage de la maîtresse de céans avec cette précision terrible qu'on lui connaît.
La bonhomie de Roger Dumas dominée par la personnalité de la dame fait ici merveille.
Quant à Sarah Biasini, cette dernière a ce qu'il faut d'enthousiasme lucide et de détermination pour justifier les évênements.
La mise en scène de Christophe Lidon est le juste écrin pour un texte que l'on savoure porté par de tels interprètes. Un sans faute par conséquent et un pur moment de bonheur.

Simone Alexandre

le lien :
http://www.theatrauteurs.com/archive/2008/02/14/l-antichambre-de-jean-claude-brisville.html

LES TROIS COUPS

http://www.lestroiscoups.com/article-30468820.html

Combat de reines

 

Écrit en 1991, « l’Antichambre » de Brisville fait revivre le Paris du xviiie siècle avec ses philosophes, son vent d’idées nouvelles, mais surtout ses salons tenus en main de maître par des femmes influentes. En un clin d’œil, la petite salle du Théâtre de l’Œuvre est devenue l’arène d’une joute oratoire tout en intelligence et finesse, menée tambour battant par des comédiens remarquables.

 

Huis clos particulier, cette pièce donne à voir les coulisses d’un des plus prestigieux salons de Paris, celui de Mme du Deffand. Cette dernière, de retour à Paris, ramène dans ses bagages sa bâtarde de nièce, Julie de Lespinasse, qui se destinait à une vie menée à l’ombre d’un couvent. Sous prétexte de sa vue déclinante, sa tante l’arrache de justesse à cette vocation et lui octroie dans son « petit » monde la place de liseuse. Mais, rapidement, de complice et affective, la relation entre ces deux femmes va se dégrader jusqu’à les voir se livrer une lutte sans merci.

 

En effet, de faire-valoir reconnaissant et appliqué, la jeune Julie de Lespinasse ne tardera pas à montrer toute l’intelligence et l’ambition propres à détrôner son aînée. Mais cette dernière ne se laissera pas supplanter sans réagir. Dès lors, leurs échanges, jusque-là précieux et raffinés, se révéleront piquants et acérés. Le rythme soutenu des répliques ne laisse ainsi aucun répit aux personnages, qui se voient contraints et forcés de laisser éclater au grand jour leurs ressentiments. De la sorte, la retenue savante et la distance royale de Mme du Deffand se muent en une jalousie aveugle à mesure que sa nièce, dont grandit le désir d’influence, attire dans ses filets la cour qui se presse dans le prestigieux salon. Et c’est par le président Hénault, seul juge et arbitre présent entre ses deux femmes, que l’une perdra son trône au profit de l’autre.

  Sous le prétexte d’une fresque historique, Brisville fait resurgir ce que les sentiments détiennent d’intemporel. Car, derrière les répliques cinglantes et sans merci auxquelles se livrent ses personnages, ce sont tous les antagonismes d’une société que l’auteur injecte dans son texte. L’orgueil, le besoin de briller, d’exister, tout autant que le fossé entre les générations, sont au cœur de cette pièce. Ainsi, plus qu’à la chute d’une femme devenue esclave de son propre rôle, c’est à l’abandon d’un monde trop étriqué que l’on assiste. D’ailleurs, l’évocation des noms de Turgot, d’Alembert ou Voltaire, loin d’encombrer de notions savantes, enchante et écarte la difficulté pour une pièce historique de ne pas tomber dans l’étalage de connaissances. Et, lorsque les masques tombent, la justesse des références historiques donne un goût de revanche : l’humanisme et l’intime contre l’apparat et les convenances, une jeunesse aux dents longues contre un monde ancien arc-bouté sur ses certitudes.

 

Si dès le début donc, le texte ciselé séduit, le jeu des comédiens et la mise en scène de Christophe Lidon, sobre et classique, entièrement dédiée aux personnages, me conquit. Jean-Claude Bouillon, tout en simplicité et bonhomie, rend avec justesse et plaisir l’évolution de son personnage. Avec intelligence et par son jeu généreux, il nous mène au-delà des apparences et remet en cause notre jugement initial, trop sommaire, sur son caractère. Sarah Biasini convainc, peut-être à trop grand renfort de pleurs, en passionnée entièrement dévouée à la cause des philosophes. Quant à Danièle Lebrun, elle est tout simplement épatante. Et sa seule présence justifie que l’on coure écouter les secrets de son salon. 

 

Maud Dubief

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