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Sarah Biasini comédienne
13 novembre 2012

le souffleur.net

Christophe Lidon et Valérie Alane cheminent ensemble entre rêve et réalité dans Zéro s'est endormi ?, drame onirique et psychanalitique. Elle écrit, elle joue et il met en scène : l'aventure est surprenante, déroutante, fascinante.

L'intrigue prend place dans une chambre, celle de Zéro, personnage apathique et éternel dormeur. Pour éviter la réalité, il tombe dans le sommeil. Mais grâce à l'aide d'Alice, photographe de rêves, armée de son Polaroïd, il se rend compte qu'il tombe dans des songes multiples et prolixes. Un dernier espoir avant le grand plongeon ?

Parler du rêve, c'est mettre en mot l'évanescent. Le metteur en scène, c'est matérialiser sa chute dans le physique. Le présupposé de cette mise en scène relève de cette incarnation et donc de la chute du rêve. C'est exactement ce qui se passe : le rêve tombe dans la réalité et dans le cas de Zéro, c'est une nécessité. Il ne veut plus, ne peut plus construire d'images dans le réel : ses rêves deviennent fresques, film en accéléré d'une vie fantasmée...Le spectacle met en scène cet état d'urgence : celui d'un inconscient qui ne vit que dans le rêve, qui s'y introduit de force. Il vit dans ses rêves. En parlant avec les personnages de ses songes (sa mère Betty, sa soeur imaginaire et le double de lui-même), il les fait tomber de l'espace onirique.

Ici se pose le théâtre, se pose l'image. Cette réalité dans laquelle s'inscrivent les personnages de ses rêves et les personnages réels est lieu de tous les possibles : projection d'un arbre qui arrosé par des paillettes devient immense ; scène de music-hall sur laquelle se produisent les accouchements chantés d'une soeur enceinte imaginaire ; espaces diffractés, étirés, bousculés qui vont de la terre jusqu'à des cieux mouvementés projetés sur scène... L'espace scènique devient proprement jubilatoire, fou aussi et semble parfois nous dépasser par son mouvement perpétuel.

Il y a aussi le texte, noeud autour duquel tout se joue. La fiction est extremement bien construite, le voyage quasi-immédiat. Le mot est dense, cru parfois, et démuni souvent. Le language laisse place à l'image qui s'incarne devant nous, ce qui peut donner à cette mise en scène son aspect légèrement illustratif. Mais le verbe est aussi conteur, et ainsi s'inscrivent même à l'intérieur du texte des histoires mythologiques remaniées, des chansons de l'insconscient : un langage dilaté et créateur. Cette mise en scène rend compte avec inventivité de la force du rêve comme matériau théâtral. Cette inventivité s'inscrit dans l'espace et dans cette scénographie modérée, deux lits, une fenêtre, un écran...qui laissent le vide comme cadeau à l'imagination du spectateur. La force créative de ce spectacle prend aussi forme dans un rythme effréné, aussi fou que celui du rêve. Tout arrive à une vitesse folle, tout s'explique, prend vie dans une folie imaginative et souriante.

Le rêve s'incarne, se fait réel dans une chambre théâtrale. L'argument psychanalitique et les intrigues familiales qui s'y jouent alimentent une fiction fantastique, une litanie du rêve qui se résout, peut-être de manière trop expéditive dans sa lecture et son incarnation. Ce spectacle d'une cohérence impressionnante nous emmène dans un non-lieu, un espace magique... A défaut de pouvoir le nommer, allons voyager, le temps d'un spectacle, dans les draps du théâtre et les bras d'une folle histoire.

 

Flavie Bitaud

source : http://www.lesouffleur.net/3484/zero-sest-endormi/

 

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