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Sarah Biasini comédienne
13 février 2020

Critique TOUTE LA CULTURE

La mégère apprivoisée de Shakespeare adaptée en une pétillante vengeance féministe par Frédérique Lazarini

12 février 2020 | PAR David Rofé-Sarfati

Frédérique Lazarini a adapté (assistée de Lydia Nicaud ) et mis en scène La Mégère apprivoisée de William Shakespeare, pièce elle même adaptée d’un conte populaire. Le résultat, à ne pas rater au Artistic Théâtre Athevains se synthétise en une joyeuse farce à l’italienne délicieusement et caustiquement misogyne. 

Elle a retiré la sous-intrigue façon jeu de l’amour et du hasard qui vient s’entuiler à l’intrigue principale dans le texte original. Elle a permuté l’épilogue en le remplaçant par un manifeste féministe extrait d’une chambre à soi de Virginia Woolf. Elle a ajouté des chansons en italien, des chorégraphies clownesques et quelques accessoires délicieusement anachroniques. Elle, c’est Fréderique Lazarini, magnifique comédienne (récemment dans Qui a peur de Virginia Woolf, et actuellement dans Les témoins de Reuzeau) qui confirme ici son talent de metteuse en scène. Et de direction d’acteur, car le premier plaisir du spectateur consiste en ses joyeuses retrouvailles avec des comédiens à l’impressionnante force burlesque. Cédric Colas, dernièrement dans un désopilant Le Fil à la patte tient par son implication et son alacrité la pièce de bout en bout. La pièce respecte un tel rythme grâce à son jeu exalté et plastique alternant fausse colères à franches rigolades. Il adosse son jeu à la brillante et lumineuse Sarah Biasini, à l’hilarant duo Pierre Einaudi, Guillaume Veyre et au truculent acteur provençal avé accent Maxime Lombard. Charlotte Durand Raucher, elle aussi, qui n’apparaît qu’en video impressionne par sa performance comique.

Tout commence dans une salle de cinéma où, à la suite du prologue, un film en noir et blanc présente l’ensemble des personnages et pose l’intrigue. Tout est organisé avec précision en vue de bâtir un show festif. La mécanique émerveille, les gags fonctionnent, les adresses au public nous embauche. La pièce ressemble à une farce populaire à la Molière ou à la Goldoni, devient un Shakespeare à la plume trempée dans l’ancien écrivain de théâtre lubrique John Ford. Nous sommes emportés dans une clownerie de cirque doublée d’une pièce pastiche. Le public, qui ne ment jamais glousse souvent, rit beaucoup d’un rire clair.

L’intrigue se résume facilement. Pour respecter l’ordre de la bienséance, un père doit marier sa fille aînée avant la cadette, sauf que celle-là est une mégère.  Profondément insoumise, résolument moderne avant la lettre, la Mégère apprivoisée revendique le droit à la parole et à une certaine liberté. Dans les années 50 en Italie, Catarina ne se laisse pas faire. Elle est en rébellion contre toutes les autorités patriarcales de son temps. Le malicieux prétendant Pétruchio (Cédric Colas) saura seul la dompter à force de privations et de sévices. Shakespeare se place du coté des hommes et à la fin de sa rééducation, Catharina dans une tirade qui nous apparaît hallucinante aujourd’hui clamera sa soumission consentante à son mari.

Les rire redoublent devant une telle misogynie. Mais la farce imaginée par Frédérique Lazarini est construite pour ridiculiser les hommes et, en guise d’épilogue, la comédienne, son rôle tenu et conclu, se dresse au proscenium devant nous pour clamer quelques ligne de Virginie Woolf. Épatant. Par ce  geste, la pièce se transforme en un manifeste anti-machisme.

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