Ce 23 septembre 2018, Rosemarie Magdalena Albach-Retty, plus connue sous le nom de Romy Schneider aurait été 80 ans si la vie lui en avait laissé le temps. En proie à toutes les contradictions, celle qui fut l’actrice européenne la plus célèbre et la plus aimée des années 70 ne parvint jamais à se départir de ce Luchino Visconti appelait « le spleen germanique ». Entre éclats de rire et tragédies profondes, la longue (10 pages) préface de l’auteur résume avec une justesse émouvante son existence fracassée, tandis qu’une interview pleine d’humour et de tendresse de Sarah Biasini, sa fille, nous parle de la Romy intime.
Cet ouvrage est essentiellement composé de clichés noir et blanc, souvent inédits. Les premiers datent des années 50 à Mariengrund pour Noël, à Rome avec Visconti ou Carlo Ponti, au Festival de Cannes en 1959 où vêtue d’une robe digne de Sissi, elle pose en compagnie de cette mère si controversée que fut Magda Schneider. Puis arrivent les années Delon avec les images d’un Alain attentif lors de vacances d’hiver à Megève ou protecteur au moment des retrouvailles à l’aéroport de Nice, juste avant le tournage de La piscine, suivies de celles du bonheur familial entre Harry Meyen et leur fils David, puis Daniel Biasini et leur fille Sarah qui nous réjouissent d’une Romy radieuse mais dont le regard empreint de sérénité se teinte déjà de mélancolie. Une série de portraits magnifiques viennent affirmer sa maturité et sa gravité. Enfin, des photos extraites de sa filmographie nous transportent de la jeune ingénue de Sissi à cette héroïne multiplement déchirée de La passante du Sans-Souci sans oublier ces rôles de femme libre et déterminée que lui a offert Claude Sautet avec l’indétrônable César et Rosalie mais aussi grâce à Max et les ferrailleurs, Une histoire simple ou Les choses de la vie, sans oublier ses intonations criantes de vérité de L’important, c’est d’aimer d’Andrzej Zulawski et sa beauté parfaite dans La piscine de Jacques Deray.
Même s’il est vrai que les étoiles cinématographiques ne meurent jamais, ce recueil soigné reste une belle occasion de se remémorer avec bonheur le parcours d’une artiste jusqu’à présent inégalée. Entre nostalgie et imagination, la vision de ces clichés si parlants parvient même à nous sussurer à l’oreille le ton si particulier de sa voix qu’un léger accent allemand rendait si étonnamment sensuelle.
Bouleversant...
Passé nazi de ses parents, comportement d'un beau-père immonde... Ce précieux documentaire s'appuie sur un entretien de l'actrice resté inédit jusque-là.
Le document est inédit, exceptionnel : dans la nuit du 12 décembre 1976, Alice Schwarzer, journaliste allemande et féministe de la première heure, reçoit en secret - et à sa demande - l'actrice Romy Schneider. Cette année-là, elle est la "Mado" de Sautet et "Une femme à sa fenêtre" sous l'œil de Granier-Deferre. Mais de cinéma, il sera peu question ; elle vient graver sur bandes quelques confessions, ces douloureux secrets qui font d'elle une grande brûlée de l'existence et donnent tant de profondeur à son jeu. A Alice Schwarzer, elle dit tout, sans réprimer ni les sanglots ni la colère, privilégiant le français car l'allemand de son enfance est la langue du ressentiment, de cette colère, justement, longtemps mise en sourdine.
Aujourd'hui, plus de quarante ans après, cet enregistrement sort enfin, il sert de base au film de Patrick Jeudy et Charly Buffet. Il est entre autre question des parents de l'actrice, Magda Schneider et Wolf Albach : deux comédiens, deux purs nazis. Romy confie à la journaliste que sa mère (dont la maison donnait sur le nid d'aigle du Führer à Berchtesgaden) avait même "couché avec Hitler". Un document d'archive inédit montre Magda Schneider tout sourire en sa compagnie. De son enfance, il lui revient aussi, jusqu'à la nausée, les traits de l'immonde Hans Herbert Blatzheim, le deuxième mari de sa mère qui la poursuivait de ses avances libidineuses et lui dérobait d'autorité ses cachets colossaux des "Sissi".
La trilogie des "Sissi", parlons-en : à l'insu des gamines rêveuses que nous étions, elle a notamment servi à redorer après-guerre l'image de Magda Schneider, qui jouait le rôle de la mère de l'ingénue impératrice d'Autriche. Depuis le premier volet de la série, l'Allemagne pensait que Romy Schneider (qui n'avait que 16 ans) lui appartenait. Alors, elle lui en voulait de l'avoir quittée pour la France et les beaux yeux d'Alain Delon. De son côté, la comédienne, qui n'avait pas pardonné à l'Allemagne son passé nazi, jouait des juives et des résistantes. Devenue mère, elle appela son fils David et sa fille Sarah.